Extraits: La Maison du Vampire Armstrong
Il y a les histoires que l’on écrit à propos des autres et
il y a les histoires que l’on écrit à propos de soi-même. Pour en revenir à
Akémi, elle a annoncé sur son blog avoir écris un roman vampirique qui m’a
fortement rappelé un de mes anciens projets. Celui-ci devait être une nouvelle,
qui s’est rapidement changé en un monstre de plus de 300 pages qui a consommé
un an et demi de ma vie et que j’ai finalement détruit il y a quelques années.
Il ne reste de ce roman que quelques pages sur les ordinateurs des autres.
Le titre original du projet était : La maison du
Vampire Armstrong. La trame était simple, une famille revend la maison d’une de
leur grand-mère après son décès. Des années plus tard, deux des petits enfants
y retournent après avoir appris la disparition d’un gamin qui y vivait et se
rendent compte qu’un vampire habite les lieux, qu’il a toujours été là et qu’il
les a vu grandir. Détail important, la dite maison existe vraiment et la
plupart des personnages portaient les noms de gens de ma famille ou de mes
amis.
En revanche, Armstrong, le Vampire, c’était moi.
Pourquoi détruire son travail ? C’est une bonne question
et je ne suis pas sûr d’avoir la réponse. Peut-être que ce projet m’a fait
comprendre qui je voulais être et qui je ne voulais pas être. Quand j’ai
compris cela je me suis rendu compte que toute la haine et tout le venin que
j’avais accumulé durant des années, je l’avais versé dans cette histoire là. Et
lorsque j’en ai eu fini, je l’ai détruit.
Comme si cela ne suffisait pas, il y a une paire d’années,
mon oncle est décédé dans des circonstances qui me rappellent étrangement
celles du bouquin, et quelques mois après, la grand-mère qui possédait la maison
est décédée elle aussi. La coïncidence aurait pu s’arrêter là, si cela n’avait
pas littéralement projeté mon cousin dans une problématique extrêmement proche
de celle de mon personnage principal. Sachant que tous deux portent le même
nom… Vous comprendrez que ça commence à faire beaucoup.
Quand la réalité rattrape la fiction… Non vraiment, le titre
de ce roman aurait dût être « Les coïncidences du Vampire
Armstrong. » Donc non, je ne compte pas le réécrire, j’en ai assez fait
comme ça. En revanche, je compte vous en proposer quelques extraits, si vous le
voulez bien. Ceux que j’ai retrouvés.
La narration était divisée en deux. On alternait entre les
chapitres qui racontaient l’Histoire des deux personnages principaux, et les
chapitres racontés par un narrateur interne, lui-même personnage du Roman,
Arius, un vampire sur le déclin qui rédige ses mémoires avant de mourir.
Extrait du chapitre 1 :
Moi qui ai servi les morts durant des milliers de lunes, je m'estime
en droit de planifier mon départ. Avant que la matière ne s'efface, il est
important de laisser une dernière trace en guise de testament. Et de toutes les
choses qui ont traversé ma vie ou ma mort, il y en a une qui ne doit pas être
oubliée, en particulier par ce monde que peuplent les hommes, où la vue ne
dépend pas de ce qui existe mais dépend de notre volonté à tous. Notre univers
n'est ni homogène, ni entier. Il est comme une rose qui se déplie à l'infini,
en expansion constante. Si vous apercevez un trait blanc loin sur l'horizon,
cela vous prendra encore quelques kilomètres de marche pour vous rendre compte
qu'il s'agit d'une colonne, de pouvoir en déterminer sa forme, sa matière et
son diamètre propre. Encore faut-il vouloir faire ce voyage. Ce que les yeux ne
voient pas fait partie de notre facette de l'existence, celle des disparus qui
ont affronté la mort en duel et qui l'ont vaincue, puisque l'on ne succombe pas
tous face à la chair froide et aux vers. Ou peut-être alors, est-ce la mort qui
nous trouve indigestes ? Nous sommes conditionnés par elle et mieux que
quiconque, nous savons la valeur et la pureté de la mémoire. Au demeurant, la
nôtre est plus fragile que du cristal. L'histoire que je désire laisser ici est
un souvenir perdu, que son propriétaire a égaré au bord du chemin. Ne sachant
plus d'où il venait, il se perdit dans sa propre demeure, dans le gouffre de
ses propres créations. Ici sont retracées les expériences du nécromancien
Armstrong, qui, comme tous ceux qui arrivèrent dans la profession, dut faire
ses preuves auprès de la communauté. Il laissa ainsi présager de l'immense
talent dont il était le maître.
Première page du dernier journal d’Arius.
C’est ainsi que s’ouvrait le roman. Arius sert entre autre
chose à donner les clés nécessaires à la compréhension de l’Univers dans lequel
se déroule la trame. Mais il est aussi là pour raconter l’étrange histoire
d’Armstrong, un nécromancien de confession catholique, vivant à Londres bien
avant l’apparition du vampire du même nom…
Extrait du chapitre 3 :
Quelle chose magnifique que l'inexpliqué. Il y a toujours une part
de fatalité dans cette notion, comme s'il n'y avait pas d'autre chemin que de
se heurter au phénomène, prenant de plein fouet cette ignorance qui est la
notre. Qu'y a-t-il de plus poétique que cela ? Ce mot simple qui rend les plus
grands si humbles. Pourquoi tant d'humains, tant de civilisations modernes, se
sont-elles entêtées à démonter, calibrer, décortiquer l'impénétrable,
l'impensable, l'incompréhensible, à le pousser dans ses derniers
retranchements, pire, à le renier. Les hommes d'église y voient un signe
surnaturel, les mathématiciens perçoivent un problème qu'il faut résoudre tout
en logique, la foule tente de lui donner du sens, sans savoir pourquoi cela est
arrivé. Alors, il n'y a pas de pourquoi. C'est arrivé, c'est tout. Hélas pour
vous si vous refusez votre propre impuissance, l'inexpliqué est bel et bien là,
et ce serait vous rendre plus aveugle que vous ne l'êtes que d'affirmer le
contraire. Ravalez votre fierté, ne cherchez plus à comprendre, acceptez. Alors
seulement, vous tiendrez entre vos mains la beauté des histoires que l'on vous
raconte. Et justement, voici la légende.
Imaginez vous dans une pièce sans fenêtres. Une porte à droite, une
porte à gauche. Les murs sont transparents, pourtant si vous regardez autour de
vous, beaucoup ne s'en aperçoivent pas, trop occupés à mener leurs petites
existences bien tranquilles. De chaque côté, une autre pièce identique, puis,
au-delà, encore une autre puis une autre et une autre. Personne ne sait quelle
est la dernière salle. Malgré la transparence des murs vos regards se perdent
dans cette immensité, il vous est difficile de voir dans le lointain. Il vous
faut regarder longtemps pour posséder la clé qui, un jour, vous permettra
d'ouvrir une porte. Rien ne vous empêche en attendant d'admirer. Telle est la
vision que nous avons du monde. Qui pourtant peut valider mes allégations ?
Nous autres, les vainqueurs de la mort, nous nous tenons dans la
pièce qui jouxte celle qu'occupent les humains. Lorsque nous
"mourrons" une deuxième fois, nous nous contentons de passer la porte
à l'opposé. La clé n'est que mort. En tout cas pour beaucoup. Mais quelques
vivants ont gagné ce droit de passage à force de patience et de méditation. On
les nomma nécromanciens, le lien entre notre facette de l'univers et la votre,
mais pas seulement. Sans le savoir, ils ont découvert une multitude de codes et
de trousseaux qui agrandissent nos perspectives d'exploration de ces salles.
Evidemment, ce n'est pas aussi simple, je me contente d'expliquer sobrement,
sans les complexités qui ont torturé tant d'âmes. Vous voici au coeur de
l'inexpliqué.
Ce sont les nécromanciens qui nous intéressent. Même si la Bible
rejette cet artisanat, il est extrêmement protégé par les puissants, car le
profit qui peut en être tiré est immense. Certains se considèrent comme des
hommes de science à part entière, d'autre comme des artistes ou des
philosophes. Dans ce milieu restreint, il existe une légende, celle d'Armstrong,
un jeune homme plein d'avenir sans qu'il en eut véritablement conscience. Et
aussi étrange que cela puisse paraître, son oeuvre maîtresse fut la seule qu'il
ne maîtrisa jamais. Il disparut avec celle-ci sans laisser de traces. On ne le
revit plus jamais, effacé au coeur de ce labyrinthe de verre, aucun cadavre,
aucune tombe n'aurait pu porter son nom. Perdu corps et âme, beaucoup tentèrent
de le retrouver, sans succès. Ce mystère se transforma en rumeur qui sauvegarda
sa réputation jusqu'à nos jours. Si personne ne peut offrir de fin à son
histoire, moi je le peux et je suis bien le seul. Je l'ai gardée dans un recoin
de ma mémoire durant des siècles et, à présent, je vais pouvoir la révéler sans
crainte. Il n'y a pas de morale cachée dans ce qui est arrivé et pourtant
l'élégance des faits seuls semble avoir été tissée par le plus habile des
artistes. La vérité, je vous la dois, mon cher, et j'espère qu'un jour elle
vous parviendra, une fois toute cette mascarade terminée.
Armstrong était doté d'une aura sublime. Il arriva un beau matin de
l'année 1708, sans un sou, alors que personne ne le connaissait. Le garçon
avait peut-être moins de vingt ans. Il avait développé des dons de nécromancie
et souhaitait intégrer la confrérie dont le centre nerveux était à Londres. Il
venait des Amériques, fils d'une petite famille de bourgeois commerçants,
disait-il. Naturellement, nous avions toutes les raisons de penser que
l'individu n'avait jamais posé un pied hors du sol anglais. Il n'y avait
pourtant aucun moyen de prouver le contraire et ses origines restent encore, y
compris pour ma personne, l'un des secrets les mieux gardés. Se faire accepter
en tant qu'individu à part entière n'était pas chose aisée à l'époque. Son
passé avait peut être un goût déraisonnable qui n'aurait pas plu. Je doute
qu'Armstrong eu été son véritable nom, il le devînt en tout cas. Il cherchait
un protecteur qui aurait pu l'introduire dans ce monde clos qui n'avait rien à
envier aux guildes des humains. On me l'amena quelques semaines après son
arrivée. Comme il ne savait pas à qui s'adresser, il était tombé par hasard sur
un petit marchand qui était dans la confidence et dont le serment avait été
tenu. Le monde entier semblait lui tourner le dos, il se mit alors en tête
qu'une confrontation avec les vampires était la seule issue. L'inconscient
avait eu raison. Je le reçus en pleine campagne, dans les sous-sols de ma
demeure à présent détruite. Comme chacun le sait, un être de ma nature se doit
de vivre près de la terre, sous peine de dépérir à vue d'oeil. Armstrong arriva
au rendez-vous, sans crainte, et fort de mes vingt deux siècles d'existence,
j'étais prêt à juger de sa vie ou de sa mort. Le garçon était de taille
moyenne, le visage assez commun, le cheveu noir de jais raide et solide qu'il
portait mi-long. Ses vêtements étaient usés. Un regard assez confus traversait
ses traits défaits de toute assurance. Il était somme toute extrêmement banal,
mais quelque chose ne s'accordait pas. Sans doute s'il n'y avait pas eu cette
anomalie, je l'aurais dévoré pour éviter qu'il ne répande le secret de mon
existence. Moi, Arius, ne pouvais permettre qu'un vivant mette en péril mes
demeures cachées.
Je me plais à comparer cet homme à un écho. Lorsque vous criez à
l'intérieur d'une pièce vide, votre voix vous revient par fragments. Une chose
identique se produit avec chaque être vivant. Vous sentez qui ils sont comme
une odeur forte qui les accompagne partout et laisserait une trace, où qu'ils
aillent. Et j'étudiais cet Armstrong, je le sentais, je savais quel type
d'humain il pouvait être. Mais l'écho que je recevais ne jouait pas à l'unisson
avec sa personnalité plutôt fragile et diaphane. La musique était plus grave,
plus caverneuse, plus mélodieuse également. La curiosité s'emparait de moi. Quelle
étrange destinée allait pouvoir être la sienne ? Il ne fallait pas le tuer, pas
en cet instant, pas encore tout du moins. J'ignorais alors quelles affres
allaient construire sa légende. L'incident était trop curieux. Sans une réelle
hésitation, je lui donnai mon accord et promis de le loger ainsi que de le
mener jusqu'au concile pour qu'il obtienne le droit de cité. Je n'étais pas
réellement enthousiaste à ce moment là, juste intrigué. Si toutes les cartes de
la donne m'avaient été offertes, peut-être aurais-je réfléchi plus longuement
face à une telle aura. Dans le même temps qui, aujourd'hui, pourrait nier au
jeune nécromancien son talent ? J'allai, sans le savoir, permettre
indirectement l'ascension d'un conflit des plus grandioses (…)
Si cet Univers est assez intriguant pour vous, je peux
poster d’autres extraits ou travaux centrés autour de cette histoire là. Vous
avez juste à laisser votre avis dans les commentaires. En attendant passez une bonne
semaine. Vous pouvez aller voir l’update d’Akémi sur son blog pour vous tenir
au courant de ses projets en cours.
Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.
RépondreSupprimerJe retente ma chance alors, j'espère que ça ne va pas planter ^^
RépondreSupprimerJe suis contente que tu aies ressortis ce texte du placard ! Finalement, même si Chastel te l'a rappelé, ils n'ont rien en commun. J'ai essayé d'instaurer un humour un peu décalé et un style léger pour que l'histoire corresponde à un jeune public. Et j'ai volontairement fait parler les gros clichés sur les vampires dans le même but.
Ton style est bien plus sombre et oppressant. On ressent une réelle mélancolie morbide émaner des propos d'Arius – qui, soit-dit en passant, a l'air d'être un vampire très classe et qui en a vu de toutes les couleurs. On ressent bien la langueur et la vieillesse de ce personnage imposant. Dans cet esprit, ton texte me fait plus penser à Entretien avec un vampire, d'Anne Rice, où le vampire Louis raconte son histoire à un journaliste, dans une chambre sombre, en tête à tête. Ton approche reste originale et parfaitement prenante !
J'aime beaucoup l'introduction d'Armstrong. On ne l'a pas encore vu qu'il nous intrigue déjà.
Quelque part, je suis un peu déçue que tu aies jeté ton travail. Il y avait du potentiel, c'est certain. Je serais ravie de lire tout ce que tu peux retrouver dessus, même si c'est dommage de ne pas avoir droit au roman de 300 pages !
Je peux éventuellement essayer de ressortir d'autres extraits. Je peux en retrouver des bouts, vu que j'ai envoyé des brouillons à plusieurs personnes. Moi en tout cas, je ne les ai plus.
SupprimerPour te donner une idée, la période où j'ai écris Armstrong je pense que j'étais à deux doigts de faire une dépression, une vraie. C'est ce qui a donné cette ambiance là au texte. Avec le recul, je me dis que justement je n'ai pas basculé parce que j'ai écris cette histoire là. Et c'est aussi probablement pour ça que je m'en suis débarrassé.
C'est triste qu'un tel travail sur toi ait donné un résultat aussi intense qui n'est pas exploitable :) Mais tant pis, j'en lirai ce que tu me donneras :p
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